Funambules
Faisant non seulement écho à la situation-même de la fonderie, il exprime plus largement la condition de l’artiste et de son rapport à sa pratique.
Étymologiquement, le mot signifie « marcher sur une corde ». Chaque artiste a pu expérimenter cette notion d’équilibre, parfois ambivalent, parfois risqué. Où mène le fil ?Pourquoi prendre ce risque ? Saurait-on, de toute manière, faire, vivre autrement ? Nul être humain ne saurait s’affranchir à vie d’un certain péril, d’une certaine crainte du manque de stabilité. Ou à l’inverse, d’une sorte de griserie procurée par la création, pendant celle-ci et tout son processus.
Parfois nécessaire bien qu’éprouvante, la sensation vertigineuse habite chacune, chacun. 10 secondes, 10 minutes, 10 ans : peu importe. L’expérience rappelle souvent à quel point nous sommes vivantes et vivants.
Genet écrivait dans un texte dédié à son amant circassien : « Cet amour – mais presque désespéré, mais chargé de tendresse que tu dois montrer à ton fil, il aura autant de force qu’en montre le fil de fer pour te porter. Apprivoise-le. ». « Ton fil de fer charge-le de la plus belle expression non pas de toi mais de lui ». « Pourquoi danser ce soir ? Sauter, bondir sous
les projecteurs à huit mètres du tapis, sur un fil ? C’est qu’il faut que tu te
trouves ». Autant de mots à travers cette métaphore qui dénotent l’ambivalence et la nécessité. Le désir et la crainte. Ce que l’on donne et que l’on reçoit.
L’idée de cette exposition n’est en rien une proposition d’illustrer le propos,
mais de laisser libre cours à chaque membre de la Fonderie de l’interpréter à sa guise et de s’autoriser à projeter sur ce thème un vécu, un ressenti, un instant passé ou présent.
Car le collectif lui-même, comme celui de la Fonderie, est un risque à prendre, un fil à maintenir même quand celui-ci se noue
parfois, se tortille et s’agace. Faire vivre un lieu pareil est aussi une incarnation du défi, du risque, du péril. Capable de faire ressentir le danger mais aussi de faire naître une immense satisfaction lorsque les cheminements se croisent, se mêlent pour former un fil plus solide.
Il ne s’agit pas d’un idéalisme hors de portée, plutôt de la volonté de traverser le vide à plusieurs avec toutes les péripéties impliquées. Quand bien même le duel n’inclue, dans son intimité la plus profonde, que l’artiste et sa feuille blanche ; savoir que cet enjeu quasi vital est ressenti par ses voisines et voisins permet, parfois, de redoubler d’impétuosité. Ou d’autres fois, de férocement, vigoureusement, choisir de traverser sans connaître la destination. Car après tout : serait-il possible de vivre différemment pour ces fondues, fondus ?
Louise Feneyrou
Avec :
Agnès Veilhan, Anita Ljung, Anja Kornerup-Bang, Bénédicte Hélary, Bruno Liance, Carole Leroy, Chris Hale, Dana Radulescu, Daniel Delannoy, Eduardo de Gregorio, Eugenia Reznik, Françoise Daganaud, Gerardo de Pablo, Giorgio Petracci, Katia Calisi, Luc Arrignon, Maïtô, Marion Legouy, Meso Studio, Minsoon Moon, Mireille Mingarelli, Pierre Caux, Raffaella Tringali, Solange Carvalho Sauvagnargues, Sunmi Kim, Sophie Queyrel, Thierry Deroche, Xavier Perez